Pour autant, ces trois histoires montrent à quel point le parcours est souvent difficile, parsemé de contraintes et peut basculer dans le renoncement.
Ainsi, l’apprentissage de la haute couture est affaire de rigueur quasi militaire dans les ateliers et la répétition du geste n’est pas toujours le plus exaltant. De même le documentaire montre bien la difficulté d’intégrer ce milieu professionnel. De Pôle Emploi en stage de reconversion, ce n’est que par les hasards des rencontres et surtout par cooptation que l’on entre dans une maison aussi prestigieuse que Chanel.
Dans les deux courts métrages, il s’agit également de dépasser une forme d’autocensure et de lutter contre la discrimination sociale : Sybille, l’amie de Souad, est persuadée que cet institut de beauté au centre ville n’est pas fait pour des filles comme elles. Et, comme elle le dit, son autre amie Manon, toute « blonde et aux yeux bleus » qu’elle est, sait combien il est difficile de trouver du travail en venant de la cité.
Yacine et ses copains, eux, ne peuvent pas s’offrir des places de cinéma trop onéreuses mais surtout s’interdisent a priori l’accès aux films classiques en noir et blanc.
Bien plus, ces personnages connaissent une forme de renoncement voire de trahison envers leurs proches. À la fin d’Entracte, les chemins de Yacine et de ses amis divergent, leurs goûts et leur amitié sans doute aussi. Pour Souad, le renoncement est plus douloureux. Elle doit supporter une discrimination envers son prénom pour plaire à la clientèle, peut-être comme toutes les esthéticiennes de cet institut dont les prénoms se ressemblent tous. Elle le vit comme une trahison de son identité, de ses origines. Comme s’il fallait accepter de se travestir pour travailler, revêtir un masque, à l’image de celui qu’elle réalise sur le visage de ses clientes et que le réalisateur filme longuement. Trouver sa voie, est-ce donc accepter de rompre avec son milieu ?
Car en creux, ces films évoquent enfin la résistance familiale qui peut venir freiner les choix professionnels. Couturière, est-ce un métier où l’on gagne correctement sa vie dans des conditions de travail acceptables s’inquiètent les parents de l’employée de Chanel ? Quant au père de Yacine, il exige que son fils rentre sur le marché du travail, une fois son baccalauréat en poche. La dispute née entre eux à ce sujet est d’ailleurs à l’image de la relation père-fils que filme Vittorio de Sica dans le Voleur de Bicyclette. La dernière scène du court métrage laisse espérer une réconciliation inspirée de la fin du chef d’œuvre néo-réaliste italien.